Érosion
Mise en contexte
L'AGLR (Association Grand Lac Rond) est d’avis que l’on doit prendre très au sérieux la problématique de l’érosion, car après chaque pluie abondante, les tributaires du lac sont chargés de sédiments qui se déposent au lac. Or une tonne de sédiments libère 1 kg de phosphore en termes de potentiel de croissance des plantes aquatiques. En fait, toutes les pratiques d’utilisation du territoire qui affectent le couvert végétal sont susceptibles de favoriser l’érosion, en particulier lorsqu’on met le sol à nu ou qu’on l’imperméabilise.
C’est quoi l’érosion, au juste? (source Memphrémagog Inc.)
L’érosion se définit comme étant le mécanisme par lequel une particule de sol est détachée et déplacée de son point d’origine. L’érosion en tant que telle est un phénomène tout à fait naturel et n’est point dommageable pour les écosystèmes tant qu’elle ne survient pas avec une incidence qui dépasse la capacité de support du milieu. Par contre, certaines pratiques humaines d’utilisation du sol viennent gravement amplifier le phénomène, en particulier la mise à nu des sols. On parle alors d’érosion accélérée.
En fait, c’est l’action de l’eau (pluie ou fonte des neiges) qui déclenche l’érosion. L’érosion survient davantage lorsque le sol est à nu, c’est-à-dire lorsqu’il est privé de sa couche protectrice naturelle qu’est la végétation. Des études démontrent que, lorsque le sol est à nu, l’incidence de l’érosion est multipliée par 100 (Purdue University, 1999). Le résultat de l’érosion, c’est l’envasement des écosystèmes aquatiques. En effet, lorsqu’une particule de sol est détachée de son point d’origine par l’action de l’eau ou du vent, elle devient une matière en suspension (MES), puis, lorsqu’elle se déposera (sédimentation), on dit qu’elle devient sédiment.
La végétation reste le meilleur moyen de prévenir l’érosion en protégeant le sol contre le pouvoir érosif de l’eau de pluie et de ruissellement. La végétation stabilise le sol en profondeur et favorise l’infiltration de l’eau dans le sol, plutôt que de favoriser qu’elle ruisselle en surface.
Quels sont les symptômes de l’érosion?
Un terrain affecté par l’érosion est criblé de petites ravines, de ravinement ou même de crevasses. Une berge affectée par l’érosion est instable et se désagrège. Les foyers d’érosion qu’on y observera peuvent prendre la forme de décrochements, de déracinement de plantes ou d’éboulements de roche. L’eau brune, ce n’est pas normal. Quand un ruisseau ou une rivière prend une coloration brune après une pluie, on a affaire à une grave problématique d’érosion dans son bassin versant. Le résultat ultime de l’érosion, c’est l’envasement, puis le comblement du plan d’eau en aval. Quand il y a un delta qui se forme à l’exutoire d’un tributaire, c’est que le processus de comblement est en marche, par l’action de l’érosion dans le bassin versant de ce cours d’eau.
Quelles sont les activités AGRICOLES qui entraînent l’érosion accélérée?
Le maintien de sols à nu pendant une longue période de temps, le libre accès des animaux aux cours d’eau, l’élimination des structures de contrôle de l’écoulement de l’eau dans les champs et le drainage souterrain excessif favorisent l’érosion accélérée. En effet, un sol mis à nu lors des labours est particulièrement sensible à l’érosion, puisqu’il est pendant tout ce temps exposé au travail de l’eau. Des études révèlent qu’un acre de sol agricole sans protection végétale en pente douce peut laisser partir jusqu’à sept (7) tonnes de sols par an vers le réseau hydrique (ODNR, 1996). Cette érosion excessive, en plus d’envaser les plans d’eau, constitue un problème pour la productivité de l’entreprise. Un champ trop grand (pente trop longue), où on a éliminé les obstacles (digues de roche, haies d’arbres, etc.) et creusé des canaux de drainage de surface, accentue grandement la vulnérabilité des sols mis à nu après la récolte. De plus, par le passé, le gouvernement du Québec a encouragé et financé en partie le drainage des terres agricoles, afin d’en améliorer la productivité. On se rend compte aujourd’hui que ces aménagements ont grandement altéré l’hydrologie des bassins versants et favorisent l’érosion des berges des cours d’eau, qui peinent à recevoir des volumes d’eau aussi rapides et importants. Comme si ce n’était pas suffisant, cette situation est exacerbée par les changements climatiques que nous subissons. Enfin, lorsque les animaux d’élevage ont librement accès aux cours d’eau et à leurs bandes riveraines, ils piétinent le rivage de leurs sabots, ce qui détruit la végétation en place en envoie des quantités importantes de sédiments dans le réseau hydrique.
Comment les activités FORESTIÈRES favorisent-elles l’érosion accélérée?
Les activités forestières favorisent l’érosion accélérée, car l’enlèvement du couvert forestier et le drainage forestier altèrent l’hydrologie du bassin versant. Ceci a pour effet d’augmenter les débits de pointe et la vitesse de l’eau, avec les risques que ça comporte pour l’érosion des berges, qui ne peuvent plus supporter cette arrivée massive et rapide de l’eau. De plus, le passage répété de la machinerie dans les cours d’eau peut envoyer des quantités importantes de sédiments dans le réseau hydrique.
Quelles sont les activités URBAINES qui entraînent l’érosion accélérée?
L’enlèvement du couvert forestier et son remplacement par des surfaces dures et imperméables favorisent l’érosion. Les bâtiments, les rues pavées et les stationnements sont autant de surfaces imperméables qui altèrent l’hydrologie, en empêchant l’infiltration de l’eau dans le sol et en l’envoyant rapidement vers le réseau hydrique. De plus, les eaux qui ne peuvent plus s’infiltrer dans le sol ruissellent en surface vont lessiver et éroder tout sol qui est à nu. Un mauvais entretien des fossés routiers peut aussi être un facteur d’érosion important, puisque cette pratique nécessite la mise à nu d’une partie du fossé. Aussi, les routes et les voies d’accès mal construites sont autant de sites potentiels d’érosion massive ou « washout ». On a trop souvent vu qu’un ponceau mal stabilisé ou une chaussée trop fine ont fait en sorte qu’une route a été lessivée ou même pire, a été complètement éventrée, entrainant des quantités phénoménales de sédiments vers les écosystèmes aquatiques du bassin versant du lac Memphrémagog. Par exemple, à l’été 2005, le chemin Mountain House a été le théâtre d’un accident environnement d’envergure. La route y a été carrément défoncée et toute cette terre s’est retrouvée dans le ruisseau en aval. De la même façon, la route menant au Mont Orford a été complètement emportée lors d’un coup d’eau survenu à l’été 2008.
Les activités de CONSTRUCTION : les championnes de l’érosion!
Les activités de construction nécessitent l’enlèvement d’une partie du couvert végétal, ce qui met les sols à nu et les expose nécessairement à l’érosion. On dit qu’un site de construction dénudé érode de 10 à 100 tonnes de sols par acre par année, ce qui équivaut à un taux d’érosion 10 fois supérieur au taux d’érosion des terres agricoles, 200 fois supérieur à celui d’un pâturage et 2000 fois supérieur au taux normal d’érosion d’une forêt (ODNR, 1996). Cependant, il est possible de pratiquer les activités de construction de façon à ce que le moins de sols possible soient mis à nu et que les sédiments qui s’échappent soient captés avant d’être envoyés dans le réseau hydrique. Encore faut-il que ces techniques soient employées par des gens compétents. Par exemple, à l’automne 2005, le site de construction du golf Memphrémagog a été le théâtre d’une importante contamination du lac par des sédiments. En effet, lors des pluies diluviennes des 14-15-16 octobre, les deux étangs de sédimentation ont débordé et les deux digues furent emportées, laissant échapper vers le lac Memphrémagog une quantité importante de sédiments et d’autres contaminants. Pour les petits sites d’aménagement, il suffit généralement de positionner une barrière de géotextile et de ballots de foin en bas de la pente du terrain, de façon à protéger les cours d’eau et les plans d’eau à proximité d’un éventuel ruissellement de sols.
Exemple de contrôle des sédiments
Le processus de l’érosion – comment les sédiments se retrouvent-ils dans le fond du plan d’eau ?
Le processus de l’érosion peut être décrit en quatre phases :
Le détachement des particules de sol
Lorsque la pluie atteint un sol dépourvu de végétation, elle agit comme des millions de petites bombes et fait éclater le sol, qui se fragmente en autant de minuscules particules.
Lessivage (mise en suspension des particules de sol)
Les particules de sol bouchent les pores du sol et l’imperméabilisent, ce qui force l’eau à se déplacer en surface plutôt que de s’infiltrer dans le sol. En ruisselant à la surface, elle se concentre dans des canaux préférentiels (en fonction de la topographie) et gagne en potentiel érosif. L’eau prend alors en charge les particules de sol (mise en suspension) et les transporte avec elle (lessivage). Lorsqu’il y a du phosphore qui est adsorbé aux particules de sol, il est entraîné avec elles dans sa course folle.
Ravinement
Le canal préférentiel transportant toujours de plus en plus d’eau et gagnant en vitesse, des rigoles se creusent, puis de profonds sillons se creusent. C’est le ravinement qui opère.
Le dépôt (sédimentation - envasement)
La gravité veut que tous les canaux préférentiels finissent par rejoindre un cours d’eau, puis éventuellement un plan d’eau. Les eaux chargées de sédiments deviennent brunes et moins propices à la vie aquatique. Les particules de sol resteront en suspension dans l’eau jusqu’à ce qu’elles atteignent un endroit plus calme. Elles se déposeront au fond, plus ou moins lentement, en fonction de leur grosseur. C’est la sédimentation. Les particules de sol les plus grosses, tels les graviers et les sables, s’arrêtent généralement près de leur origine, souvent dans le ruisseau d’à côté. Lorsqu’une couche importante de sédiments s’est déposée au fond du lac, on dit qu’il s’est envasé. Le lac se remplit graduellement et, peu à peu, perd de la profondeur et de la superficie. C’est le comblement du lac.
Quelles sont les conséquences de l’érosion accélérée?
Tout d’abord, l’érosion accélérée entraîne la perte de sol utile. Ensuite s’ensuit une panoplie de pertes d’usage : l’écosystème ne peut plus rendre les services qu’on attend de lui. Toutes ces conséquences coûtent très cher, autant du point de vue écologique que du point de vue économique ou social.
Perte de sol et perte de terrain
L’érosion accélérée entraîne la perte de quantités phénoménales de terre arable (fertiles). La parcelle en culture perd peu à peu son capital productif. Dans le cas d’un site de construction, tout le sol perdu doit être remplacé par du remplissage. Sur le bord d’un lac ou d’un cours d’eau, l’érosion des berges gruge peu à peu du terrain. Dans les cas extrêmes, c’est l’existence même de la propriété qui est menacée.
Diminution de la qualité de l’eau potable
Une eau chargée de sédiments est impropre à la consommation et ses coûts de traitement grimpent en flèche.
Perturbation des communautés biologiques du plan d’eau et diminution de la qualité de la pêche
Les sédiments en suspension dans l’eau sont une menace pour la survie des poissons qui y vivent. En effet, les matières en suspension irritent et peuvent même boucher leurs branchies. De plus, lorsque des sédiments se déposent sur une frayère, ils y asphyxient les œufs qui sont présents et en détruisent le potentiel en tant que site de reproduction pour les années subséquentes (colmatage). En plus d’avoir de graves impacts sur la structure de la communauté de poissons d’un plan d’eau, l’érosion est donc une menace directe au potentiel de pêche du plan d’eau.
Détérioration des zones de baignade
Lorsque les sédiments se déposent et s’accumulent au fond d’un plan d’eau, ils forment une couche de boue très désagréable au toucher. De plus, l’accumulation de sédiments fins favorise la prolifération excessive de plantes aquatiques, qui ne sont pas plus intéressantes à avoir dans une zone de baignade. C’est toute l’offre de services récréotouristiques du plan d’eau qui en est atteinte.
Amplification d’autres problèmes environnementaux
Les sédiments transportés à travers le processus de l’érosion sont souvent chargés de contaminants et de phosphore. Or, le phosphore est LA cause No1 de l’eutrophisation des plans d’eau.
Dommages aux infrastructures de transport de l’eau
Les sédiments qui se déposent en chemin dans un cours d’eau sont autant de menaces au bon fonctionnement des infrastructures de transport de l’eau. Ainsi, des ponceaux, des fossés ou des égouts pluviaux se retrouvent bloqués parce que remplis de sédiments. L’entretien et le déblocage de ces infrastructures peuvent être très onéreux pour la municipalité ou le propriétaire qui en est responsable. Sans compter les coûts que pourrait impliquer le déchaussement d’une route par l’action de l’érosion dans son fossé d’égouttement.
Vulnérabilité aux inondations
Le dépôt de sédiments dans le fond d’un ruisseau ou d’une rivière en modifie la forme et diminue l’aire de circulation, augmentant d’autant plus les risques d’inondation. Or, les dommages que peuvent causer une inondation sont très importants, autant sur le plan économique qu’environnemental ou social.
Que puis-je y faire?
La lutte à l’érosion demeure un des défis les plus importants pour ramener la qualité de l’eau dans le bassin versant du lac Memphrémagog. Il faut toujours garder en tête que la végétation sur les rives est notre meilleur allié en ce domaine. De plus, quelques techniques simples peuvent nous aider à prévenir l’érosion, puis à capter les sédiments lorsqu’on n’a pu l’empêcher. Ces techniques sont expliquées plus en détail dans des guides tels que ceux mentionnés ci-bas. Encore faut-il que ces techniques soient bien appliquées.
Pour connaître quelques trucs qui peuvent vous inspirer dans votre démarche vers la lutte à l’érosion, nous vous donnons rendez-vous à la section du Guide des intervenants qui vous concerne.
Pour en connaître davantage :
- RAPPEL, 2003. Lutte à l'érosion sur les sites de construction ou de sol mis à nu - Guide
- RAPPEL, 2000. Maudits sédiments - Vidéo
- RAPPEL, 1999. Les fossé écologiques... et économiques ! - Vidéo
- RAPPEL, 2009. La méthode du Tiers inférieur – Page Internet
- AgirPourLaDiable, 2009. L’érosion - Dépliant
- Abrinord, 2008. Contrôle de l'érosion et gestion des fossés – Étude
- AgirPourLaDiable, 2009. Dossier informatif concernant l'érosion – Page Interne
- APEL, 2009. L'imperméabilisation et l'érosion des sols - Brochure
- MTQ, 1997. L’entretien des fossés - Fiche de promotion environnementale
- MTQ, 2008. Évaluation économique et environnementale de l'efficacité de la méthode du Tiers inférieur pour l'entretien des fossés routiers - Étude
- MOAAR, 2009. Érosion hydrique des sols en milieu agricole - Site Internet
- Règlementation sur le contrôle des sédiments
- Ville de Magog, 2008. Le Contrôle des sédiments, la Bande riverain et l'Érosion – Règlement en vigueur
- Ville de Lac Brome, 2008. Le Contrôle de l'érosion – Règlement en vigueur
- RAPPEL, 2008. Le contrôle des sédiments – Règlement-type
- RAPPEL, 2003. Le permis relatif au contrôle de l’érosion lors du remaniement des sols sur les sites de construction – Règlement-type